• Motion du Bureau National du SNUEP-FSU 

    7 juin 2010

    Nouveau plan de relance des contrats d’alternance 

     

    Dans un contexte de fortes dégradations du marché du travail liées aux différentes crises financières, économiques et monétaires, engendrées par les politiques néolibérales européennes, le gouvernement prend une fois de plus le prétexte du chômage des jeunes pour développer sa vision néolibérale de la formation professionnelle en axant les politiques publiques dans ce domaine sur le développement de l’alternance. 

    En effet, il y a peu de temps, Nicolas Sarkozy réaffirmait encore sa volonté de voir sensiblement augmenter le nombre de personnes formées dans le cadre de contrats d'apprentissage et de professionnalisation : « nous avons accompli des progrès : il y a aujourd'hui 600 000 jeunes en alternance ; c'est près de 15 % de plus qu'il y a 5 ans. Mais il faut aller plus loin. Mon objectif, c'est 800 000 jeunes en alternance en 2015 (12,5 % des 15-25 ans), voire, comme l'a indiqué le Premier ministre, un million à moyen terme. »

     


    L’objectif affiché est donc de développer l'alternance partout et pour tous et inciter les entreprises à s'engager davantage dans l'alternance en multipliant les aides financières.

     

    La France est le deuxième pays de l'Union européenne en nombre d'apprentis, après l'Allemagne : 1,6 million d'apprentis en Allemagne, contre 420 000 en France en apprentissage et environ 600 000 en alternance avec les contrats de professionnalisation.

     

    Dans le cadre de la loi, Orientation et formation du 24 novembre 2009, le gouvernement a proposé de multiples dispositifs en faveur de l’alternance. La cible visée est les jeunes de 16 à 26 ans.

     

    Ainsi, le gouvernement relance le Dispositif initiation aux métiers de l’apprentissage (DIMA) en l’introduisant officiellement dans le code de l’éducation, dans le seul but d’alimenter les formations en alternance abandonnant ainsi toute volonté de réelle démocratisation du lycée.

    En supprimant le délai de carence et en étendant les contrats de professionnalisation pour les jeunes de 16 ans, le gouvernement compte aussi faire rentrer directement en formation continue des milliers de jeunes qui pourraient poursuivre leur scolarité en formation professionnelle initiale publique sous statut scolaire.

     

    Parallèlement, le gouvernement prolonge aussi jusqu'à la fin 2010, l'aide exceptionnelle aux entreprises qui embauchent un jeune âgé de moins de 26 ans en contrat de professionnalisation. Le montant de la prime est de 1 000 euros. Il est porté à 2 000 euros pour un-e jeune n'ayant pas le niveau bac. Le coût initial de cette mesure était évalué à 226 millions d'euros en 2009-2010.

    Toutes ces mesures n’ont qu’un objectif, augmenter le nombre de contrats d’alternance avec comme nouvelle arme le contrat de professionnalisation. Environ 113 000 contrats ont finalement été recensés entre juin 2009 et mars 2010.

     

    Pourtant, le CEREQ dans sa dernière enquête sur l’évolution des différentes voies de qualification et d’insertion des jeunes, n’a pas permis de mettre en avant un lien entre les systèmes de formation et la qualité d’insertion pour les jeunes. Il confirme le caractère surdéterminant du contexte du marché du travail (taux de chômage et chômage de longue durée) sur le problème d’’insertion des jeunes et met en évidence « le résultat contre intuitif concernant l’apprentissage qui incite à remettre en cause certaines certitudes  et à réfléchir sans a priori aux réels effets des politiques publiques ».

     

    Alors pourquoi vouloir absolument développer les contrats d’alternances chez les jeunes de 16 ans ?

    Les réponses sont données dans la circulaire de rentrée ainsi que dans la publication récente du « Schéma d’emplois 2011–2013 », envoyé le 5 mai dernier aux rectorats par le ministère, qui préconise la rationalisation de l’offre de formation de la voie professionnelle.

    Pour cela, le ministère du travail et celui de l’Education Nationale travaillent de concert pour atteindre l’objectif assigné par le chef de l’Etat. Le ministre Laurent Wauquier souhaite ainsi décloisonner la voie scolaire et la voie de l'alternance et peut compter sur l’appui de Luc Chatel pour « fluidifier le système ».

     

    L’une des conséquences de ces politiques est le développement des formations mixées qui peuvent maintenant exister dans le cadre des lycées des métiers grâce au rapprochement, à tous les niveaux, de la formation initiale et la formation continue : disparition des formations BEP propédeutiques, introduction du Bac Pro 3 ans qui transforme profondément les contenus des programmes et les certifications, développement du contrôle en cours de formation (CCF). Ces modifications  transforment profondément les missions de l’enseignement professionnel en accentuant le coté insertion professionnelle au détriment de la formation complète du jeune.

     

    L’accompagnement personnalisé (AP) peut donc aussi être analysé sous cet angle ; les passerelles voulues par le ministère sont en fait des passerelles d’une voie de qualification vers une autre (scolaire, apprentissage, formation continue) qui pourront être proposées en 1ère professionnelle pour des élèves arrivant de 2nd générale, technologique ou professionnelle. La classe de seconde pourrait alors rapidement devenir, pour de nombreux élèves, le dernier niveau de formation sous statut scolaire  comme le préconisait le dernier rapport sur l’enseignement professionnel du Haut Conseil de l’Ecole pour les 2nd en LP. L’AP pourrait devenir l’instrument majeur de ces changements et contribuer ainsi à « fluidifier le système ».


     

     

     

    Des recteurs d’académie demandent- aux Proviseur-e-s de LP et aux Directeurs et directrices d’EREA placés sous leurs  autorités d’étudier toutes les possibilités de mise en place de « Formations Mixées ». Ces formations y sont ainsi décrites :

    « Sous le terme générique de mixage, plusieurs configurations peuvent se présenter :

    - le mixage de formations permet de regrouper les enseignements communs à plusieurs diplômes d’un même champ, tant en enseignement général qu'en enseignement professionnel ;

    -le mixage de publics (…) rassemble dans une formation des élèves, des apprentis et/ou des stagiaires de la formation professionnelle continue ;

    -le mixage de parcours (1 + 1 ou 1 + 2) permet une première année sous statut scolaire et la ou les années suivantes sous contrat d’apprentissage ou de professionnalisation ;

    -le mixage de niveaux consiste à rassembler des jeunes de 1ère et 2ème année, ou de diplômes de niveaux différents pour l’acquisition de compétences identifiées. »

     

    L’une des dernières promesses de campagne du candidat Sarkozy qui soit encore d’actualité sous sa Présidence est le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partants à la retraite. Tout le monde aura ainsi bien compris que le « Schéma d’emploi 2011 – 2013 » proposé par le Ministre Châtel a pour objectif principal de répondre à ce dogme. Après avoir réduit au strict minimum la carte des formations proposée dans les académies, à l’occasion de la mise en place de la contre-réforme de la Voie Professionnelle, le Ministre n’a plus pour solution, dans ce secteur, que de rechercher des économies d’emplois en proposant des conditions démentes d’enseignement, tant pour les élèves que pour les professeurs.

    Pour le SNUEP-FSU, toutes ces propositions sont autant d’aberrations pédagogiques qui nuiront à la qualité des enseignements dispensés et alourdiront considérablement la charge de travail des PLP y intervenant. Il n’est dans l’intérêt d’aucun de ces publics de se retrouver en une même structure pédagogique, puisque ce mixage ne permettra pas dans la réalité de prendre suffisamment en compte la nature et l’ampleur  des besoins de formation de chacun.

    Croire que la réussite des jeunes passe par la formation de « groupes classes »  les plus hétérogènes possible dans leurs objectifs de formation, leur statut et/ou leur rythme d’apprentissage relève au minimum de la gageure. L’introduction de ce triple mixage des publics, des parcours et de niveaux ne peut qu’entraîner encore davantage  de décrochages scolaires. De surcroît, il va de soi que ce type de « mixage » ne pourrait qu’introduire insidieusement une obligation d’annualisation / globalisation des horaires et du temps de travail des enseignants concernés, ce qui est contraire au statut des PLP. Rappelons que notre statut stipule précisément qu’enseigner dans des filières de type apprentissage et/ou formation continue ne peut se faire que sur la base du volontariat de la part du PLP.

    Le SNUEP-FSU dénonce aussi le détournement qui est fait du contrat de professionnalisation. Ce contrat initialement prévu pour les adultes en formation continue n’est pas adapté aux jeunes de 16 ans et ne leur permettra pas de suivre une formation complète qui leur garantirait un accès  à  une insertion durable sur le marché du travail.

    Cette mesure a surtout comme objectif de transférer encore un peu plus les missions de l’Etat sur les régions pour des raisons budgétaires. Pour le SNUEP-FSU, l’argent de la formation continue des adultes doit être exclusivement utilisé dans le cadre de la formation tout au long de la vie pour le développement des qualifications des adultes salariés et des adultes en recherches d’emploi.

    Le SNUEP-FSU demande que tous les jeunes puissent entrer aux lycées dans la filière de leurs choix et demande au ministère d’arrêter immédiatement sa politique des diminutions de l’offre de formation dans la voie scolaire. Il appelle à une réelle démocratisation du lycée dans le cadre d’une scolarité obligatoire repensée et étendue jusqu’à 18 ans. L’Education Nationale doit arrêter sa politique de sous-traitance de l’échec scolaire et prendre réellement en charge la question de la difficulté scolaire de certains jeunes. Pour cela, il lui faut  réinvestir la question de l’insertion professionnelle durable des jeunes en développant des dispositifs restant propre à l’Education Nationale.

     

    Le SNUEP-FSU rappelle que l’enseignement professionnel (formation professionnelle initiale sous statut scolaire) est aussi une formation en alternance et qu’elle a largement prouvé son efficacité en participant fortement à la démocratisation de l’accès aux baccalauréats et à l’augmentation du niveau de qualification des jeunes. De plus, rien ne permet de dire aujourd’hui que cette voie de qualification insérerait durablement moins bien les jeunes sur le marché du travail, au contraire !

    Aussi, le SNUEP-FSU continuera à combattre « la réforme » de la voie professionnelle qui va pousser les jeunes les plus en difficultés scolairement et socialement en dehors du lycée.  Il demande à nouveau au ministère d’adapter les parcours aux élèves notamment en réintroduisant  des formations en 2 ans préparant  au diplôme du BEP.

    Le SNUEP-FSU rappelle que la mission de l’enseignement professionnel n’est pas seulement d’insérer professionnellement les jeunes. Il a pour mission de les  former à devenir des hommes ou des femmes, citoyen-e-s à même de comprendre leur environnement social, politique et économique.

    Le SNUEP-FSU interviendra dans toutes les régions dans le cadre des nouveaux contrats régionaux de développement de la formation professionnelle pour dénoncer ces politiques mises en œuvre.  Il s’opposera fermement à ce type de mesure remettant fondamentalement en question la qualité de la formation initiale professionnelle sous statut scolaire. Il y dénoncera la mise en concurrence des différentes voies de qualification des jeunes et la volonté gouvernementale d’organiser  le délestage d’une partie de la jeunesse vers l’apprentissage ou la formation continue des adultes en organisant l’asphyxie de l’enseignement professionnel.

     

    Le SNUEP-FSU n’est pas dupe du fait qu’encore une fois, il est ici question d’attaquer les formations sous statut scolaire dans le but unique et cynique de pouvoir mieux démanteler l’enseignement professionnel public et laïque.