• L’ACCOMPAGNEMENT personnalisé

    Article publié dans le journal national du SNUEP-FSU N°50 ( mai 2009)

     

    Dans les nouvelles grilles horaires apparait un nouvel « item » sous la désignation : accompagnement personnalisé. L’article 4 de l’arrêté propose d’en définir les modalités d’application : « les dispositifs d’accompagnement personnalisé s’adressent aux élèves selon leurs besoins et leurs projets personnels. Il peut s’agir de soutien, d’aide individualisée, de tutorat, de modules de consolidation ou de tout autre mode de prise en charge pédagogique. Les heures attribuées à chaque division pour la mise en œuvre de ce dispositif peuvent être cumulées pour élaborer, dans le cadre du projet d’établissement, des actions communes à plusieurs divisions ». Pour instituer cet accompagnement personnalisé, il est prévu 210 heures par division pour les trois années de formation ; ce qui revient à une moyenne de 70 heures annuelles, donc de 2 heures 30 hebdomadaires.

    L’objectif affiché est de pallier les difficultés pouvant faire obstacle aux apprentissages. Aucune analyse ministérielle n’a été réalisée  quant aux origines et aux spécificités des difficultés rencontrées par les élèves, de surcroît les modalités d’application sont très évasives. Cette absence de réflexion reviendra à déléguer, insidieusement, la responsabilité de l’échec scolaire des élèves aux seuls enseignants. C’est inacceptable.

     

    Elèves en difficulté d’accord, mais quelles difficultés ?

    Les études récentes dévoilent qu’un élève est « en difficulté scolaire » dès lors que des conflits apparaissent (au collège, en lycée professionnel) : lorsqu’il refuse tout effort nécessaire aux apprentissages, que ses absences deviennent récurrentes, que son comportement tend vers « l’agressivité »… Ces signes visibles, significatifs sont l’aboutissement d’un processus qui s’est édifié tout au long du cursus scolaire.

    Les familles de milieux populaires conservent et transmettent à leurs enfants un rapport à l’école et aux savoirs enseignés très différents des familles plus aisées. Les modèles, les valeurs et les attendus des enseignants en termes de comportements et de postures intellectuelles sont plutôt ceux des familles proches des classes sociales aisées. Les élèves arrivent à l’Ecole avec leurs pratiques langagières et comportementales différentes ce qui favorise les malentendus qui se transforment progressivement en attitudes de résistance face aux apprentissages.

    Dans les classes populaires, les études révèlent que les conseils parentaux prennent fréquemment la forme d’instructions des parents vers leurs enfants en termes d’attitude : « sois sage, écoute le professeur, fais des efforts » et se réfèrent peu à l’impératif d’apprendre. Si les notions d’effort et de « travail bien fait » constituent toujours des valeurs inhérentes aux pratiques éducatives, elles sont en réalité considérées par les enseignants comme des pré-requis. Le plaisir d’apprendre et l’envie de savoir sont aussi des caractéristiques supposées « allant de soi » et dont l’Ecole préjuge que les élèves devraient en être naturellement pourvus. Pourtant, les dispositifs pédagogiques exigent des élèves, non qu’ils répètent ou restituent intégralement des connaissances, mais qu’ils participent et construisent leur savoir, qu’ils soient en fait actifs dans les apprentissages.

    Enfin, d’autres logiques peuvent rendre compte du processus d’échec scolaire. Ces enfants en échec peuvent développer des stratégies anti-apprentissage comme dormir, bouger, faire du bruit, ou refuser les règles…

    Quatre grandes causes (selon S. Boimare) peuvent expliquer des résistances face à l’apprentissage : les secrets et non-dits familiaux qui amènent les enfants à limiter leur curiosité pensée comme dangereuse ; une volonté inconsciente de ne pas dépasser le niveau culturel des parents pour ne pas les trahir ; l’inhibition intellectuelle  sous la pression d’un milieu familial (certains élèves refusent des pans entiers de programmes d’histoire ou de philosophie) ; le maintien d’un cadre spatial et temporel flou pour rester dans l’enfance et ne pas se responsabiliser.

    Une meilleure compréhension des difficultés des élèves est nécessaire pour appréhender au mieux son enseignement. Il est regrettable de n’y avoir accès que par une démarche personnelle. Les enseignants restent très seuls et démunis face aux multiples attitudes de refus d’apprendre des élèves, surtout dans un contexte où l’idéologie dominante n’a de cesse que de les culpabiliser : les professeurs ne sauraient pas faire ! Le manque de motivation, les difficultés d’apprentissage, et les comportements pensés comme déviants des élèves n’ont jamais une cause unique : difficultés sociales et psychologiques des familles, manque de formation des enseignants, valorisation sociétale de la compétition entre élèves et entre établissements. Une société qui participe fortement, contrairement à son discours politique, à dévaloriser le Savoir au profit de réussites sociales supposées spontanées (indépendante de l’Ecole) où seule la volonté individuelle, serait nécessaire pour s’accomplir.

     

    L’accompagnement personnalisé sera-t-il pour ces élèves là ? Seuls ou en classe entière ? Le décret est bien évasif à ce sujet… Ce dont le SNUEP-FSU est certain c’est que traiter la difficulté scolaire ne peut se résumer à 2H30 par semaine. Pour réduire les inégalités scolaires, un projet de formation (initiale et continue) sociologique, psychologique et pédagogique est indispensable pour tous les enseignants qui s’occupent des publics pour qui l’Ecole et les apprentissages ne sont pas une évidence.

    Sigrid Gérardin

     

    Massification scolaire et émergence de la notion d’échec scolaire

    C’est dans les années 1980 que se concrétise formellement la généralisation des études pour tous, que l’on nomme plus communément la massification de l’école ou encore la démocratisation quantitative. Les élèves qui « décrochent » du système scolaire sont alors davantage issus des milieux populaires, ils poursuivent peu d’études en grandes écoles, et sont majoritairement en lycée professionnel. Malgré l’aboutissement de ce grand projet où tous les enfants (quel que soit leur milieu) peuvent bénéficier d’un enseignement commun, le niveau du diplôme est toujours fortement lié à la position sociale des parents. La sélection ne se fait plus, comme par le passé, à l’entrée de l’école mais bien en son sein tout au long du cursus de l’élève.

     


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