• Comment donner moins à ceux qui en ont le plus besoin?

    Article publié dans le journal national du SNUEP-FSU N°46 (octobre 2008)

    Créé en 1985, dans un contexte où seulement 30% d’une classe d’âge obtenait alors un baccalauréat, le baccalauréat professionnel a fortement contribué à augmenter le nombre de bacheliers (rappelons qu’aujourd’hui 700 000 élèves, soit un tiers du public concerné, bénéficient des formations dispensées en lycée professionnel). Alors que le baccalauréat professionnel s’obtenait en 4 ans (2 ans pour acquérir un BEP suivi de 2 années pour le baccalauréat) le gouvernement veut aujourd’hui réduire d’une année le temps de formation des élèves. Selon les arguments officiels, c’est sur la base d’une équité entre tous les élèves que cette réforme se justifie, quel que soit le baccalauréat choisi tous doivent l’obtenir en trois ans ; c’est cela sa façon de penser l’égalité ?

    L’articulation collège–lycée professionnel mérite une vaste réflexion. Afin d’éviter une mauvaise orientation, trop souvent par l’échec, il convient d’agir sur les années « collèges » en proposant une véritable diversification des parcours et des méthodes pédagogiques. Il faut peut-être pour certains élèves inverser la hiérarchie des matières afin de montrer l’importance des savoirs fondamentaux. C’est cette stratégie qui a permis à de nombreux élèves de L.P. de poursuivre positivement leurs études dans la voie professionnelle puis parfois dans l’enseignement professionnel supérieur. En effet, confrontés à des méthodes pédagogiques mieux adaptées à leur profil et revalorisés par leurs résultats, ou par l’obtention de leur premier diplôme, leur ambition scolaire se reconstruit progressivement et nombreux sont ceux désirent poursuivre leur scolarité en baccalauréat professionnel ou en  baccalauréat technique. Ces élèves ont donc besoin, pour accéder aux savoirs requis en vue de l’obtention d’un  baccalauréat,  d’un temps d’apprentissage plus long que des élèves qui ont eu une scolarité sans obstacle. Or, la réforme du baccalauréat professionnel s’attaque justement à ce temps d’apprentissage en le réduisant. L’Education Nationale va donner moins aux élèves qui en ont justement le plus besoin. Comme le souligne le sociologue Saïd Bouamama lorsqu’il analyse le rapport au savoir des élèves de milieux populaires, « traiter en égaux des inégaux est sans doute une des pires inégalités ». Or, cette fameuse « égalité » (égalité des chances, etc.), que l’on nous ressasse sans cesse à longueur de discours politiques est pourtant l’argument principal du gouvernement pour justifier ces choix.

    Cette réforme propose donc de supprimer une année d’enseignement mais aussi l’abandon de la formation du BEP. Or les deux années qui précèdent l’entrée en formation en baccalauréat professionnel sont pourtant extrêmement utiles : d’une part, l’enseignement des disciplines professionnelles sert souvent de médiation à l’acquisition de connaissances plus générales et participent ainsi à remobiliser les élèves sur la poursuite de leur cursus scolaire ; et d’autre part, l’obtention d’un diplôme (BEP ou CAP) en deux ans revalorise les élèves qui s’autorisent enfin à croire en leurs capacités.

    En supprimant la formation BEP en deux ans, le gouvernement ne prend aucunement en compte cette réalité. Les difficultés des élèves doivent se régler au sein de l’institution scolaire et non à l’extérieur. C’est au système éducatif à proposer des structures adaptées aux élèves et non l’inverse comme le propose le Ministre. Il importe de proposer aux familles des cursus progressifs débouchant sur des qualifications validées par un diplôme. Le BEP est un de ceux là. Les élèves qui intégraient la filière technologique après l’obtention du BEP n’auront plus de choix. Ceux qui ne pourront pas suivre en BAC PRO 3 ans devront se contenter de passer en CAP avec une fois de plus le sentiment d’avoir échoué. Il est fort à parier que ce nouvel échec  les éloigne définitivement du système éducatif et les enfermer dans des dispositifs d’insertion professionnelle et de formation qui ne débouchent que sur les emplois précaires.

    Cette mesure ne cherche pas à revaloriser la voie professionnelle, mais vise le démantèlement du service public et la suppression d’un quart des postes de PLP.

    Il semble que pour notre ministère le plus important est l’objectif du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans le cadre de la RGPP même si cela se fait au détriment d’un système éducatif pour tous.

    Le SNUEP-FSU a refusé d’accompagner cette réforme qui entérine la mort du BEP et généralise le Bac pro en 3 ans en mettant à l’écart les jeunes les plus fragiles.

     

    Le Secteur Education sur une proposition de Sigrid GERARDIN.

     

    Pour réagir : secteur.educ@snuep.com


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